Poutine résulte de l'incohérence politico-militaire des USA en 1948 ! ! !
En février 1945, par les Accords de Yalta, les USA, l’Angleterre et l’URSS s’étaient engagés à aider les États, jusqu’alors dépendants de l’Axe, à « résoudre leurs problèmes politiques et économiques les plus urgents » ainsi qu’à « constituer des gouvernements démocratiques représentatifs de l’ensemble des courants politiques de leur population ».
Depuis la fin du conflit mondial en Europe, l’URSS s’était appliquée à transformer les « Accords de Yalta » en un prétendu « Partage de Yalta », à son avantage, et à constituer des « démocraties populaires » dans les pays de l’est‑européen qu’elle avait eu l’occasion de « libérer », y compris dans la partie orientale de l’Allemagne qu’elle occupait.
Forts du constat de non respect des accords de Yalta par l’URSS, notamment en Allemagne orientale, les alliés occidentaux décidèrent, en mars 1948, lors de la Conférence des 6 ministres des affaires étrangères (Angleterre, Belgique, France, Luxembourg, Pays‑Bas et USA), de créer un État ouest‑allemand.
L’URSS prit prétexte de ce projet pour initier le Blocus de Berlin à partir du 24 juin 1948.
Les alliés occidentaux, et notamment les USA, y répondirent par l’établissement d’un pont aérien, destiné à approvisionner la population de Berlin‑ouest, qui dura jusqu’à la fin de la crise, le 12 mai 1949, lorsque l’URSS renonça à s’opposer à la création d’un État ouest‑allemand.
Au Japon, en 1945, trois ans avant le déclenchement du Blocus de Berlin, les USA avaient fait la démonstration de la puissance destructrice des bombes atomiques autant pour forcer le Japon à la capitulation que pour impressionner l’URSS. En 1948, les USA avaient donc le monopole de cette nouvelle arme1.
Dès 1945, les USA disposent, dans leurs cartons, de plans nucléaires orientés vers l’URSS. Déterminer si ces plans étaient offensifs (attaque préventive) ou défensifs (riposte légitime) n’est pas absolument évident ni nécessaire. On ne peut que constater qu’aucun de ces plans n’a jamais été exécuté ; pas plus que la menace de leur mise en œuvre, comme instrument politico‑diplomatique, n’en a été brandie.
« Totality » était le nom de code du tout premier plan, en 1945. Il consistait en des bombardements atomiques d’une vingtaine de villes en URSS. Ce plan fut suivi de :
« Pincher », en 1946 (50 bombes atomiques sur 20 villes russes) ;
« Charioteer », en 1947, lancement de 133 bombes atomiques sur 70 villes soviétiques pendant 30 jours (dont 8 sur Moscou et 7 sur Léningrad) puis, 200 autres bombes atomiques suivies de 250.000 tonnes d’explosifs classiques pendant deux ans ;
« Trojan », mai 1949, 1ère phase de 2 semaines contre 30 villes soviétiques ; 2ème phase de 2 semaines contre 40 autres villes ; et cætera …
Dans ces conditions, la logique conduit à penser qu’au blocus soviétique de Berlin, les USA, au lieu de se contenter de mettre en place le pont aérien, auraient dû, ou pu, répondre par un ultimatum nucléaire aux termes duquel l’URSS aurait été sommée, au minimum, de cesser immédiatement ledit blocus faute de quoi elle serait l’objet de frappes atomiques sur son propre territoire.
De surcroît, en raison de la disproportion des forces nucléaires, très largement en faveur des USA étant donné qu'ils en avaient le monopole, ceux‑ci auraient également pu inclure, dans leur ultimatum, l’évacuation par les troupes soviétiques de tous les États de l’est européen ainsi que l’instauration d’une authentique démocratie en Russie.
Or, de manière étrange, on ne trouve, dans aucun ouvrage historique, une seule mention de cette opportunité ; exactement comme si, à aucun moment, il n’avait été fait de relation entre les capacités militaire et politique de l’arme nucléaire en raison de son pouvoir de destruction massive. Surtout quand l’ennemi, l’URSS en l’occurrence, était « nucléairement nu ».
Tout semble s’être passé comme si les politiques américains n’avaient perçu l’arme nucléaire que comme une arme « conventionnelle » de plus2.
Quoi qu’il en ait été, cette carence conceptuelle américaine, au moment du Blocus de Berlin, fait entrer le monde dans la Guerre Froide3.
4.1.Hypothèse 1
Les conseillers et directeurs de la Maison Blanche, du Département d’État et du DoD‑Pentagone auraientt effectivement étudié et proposé au président Truman4 une option de dissuasion nucléaire pour en finir, au minimum, avec le Blocus de Berlin. Mais, Truman, non seulement n’aurait pas retenu cette option, mais, de plus, se serait abstenu de toute référence officielle5.
Il resterait à déterminer la réalité de cette option, le contenu d’un éventuel ultimatum destiné à l’URSS ainsi que les raisons pour lesquelles Truman ne l’aurait pas retenue. Il faudrait produire les preuves que cette option avait bien été envisagée.
4.2.Hypothèse 2
Les conseillers et directeurs de la Maison Blanche, du Département d’État et du DoD‑Pentagone n’auraient, tout simplement, jamais envisagé cette option…
On ne peut que s’en étonner. Il n’en reste pas moins qu’aucun élément n’existe pour réfuter cette hypothèse.
Après que les USA aient laissé passer l’opportunité du Blocus de Berlin pour mettre l’URSS « échec et mat », c’est l’URSS qui, la première, aux dépens des USA et de leurs alliés, démontrera l’usage qui peut être fait de l’arme atomique dans le cadre d’une « diplomatie nucléaire ».
En novembre 1956, en raison de la nationalisation du Canal de Suez par le Président égyptien Nasser, les Anglais, Français et Israéliens entreprendront une expédition militaire afin de rouvrir le canal à la circulation des pétroliers venant du Golfe persique.
Dans la nuit du 5 au 6 novembre, l'URSS, en la personne de son chef de gouvernement, Nikolaï Boulganine, menaça Anglais, Français, et Israéliens de frappes nucléaires s'ils ne mettaient pas un terme à leur agression6. En raison de leurs alliances, les USA craignant une escalade nucléaire qui les impliquerait, intimèrent l’ordre, à leurs alliés, de renoncer à leur action militaire7.
En réalité, les USA, certainement moins soucieux d’une escalade nucléaire avec l’URSS que de saisir l’opportunité d’évincer la France et l’Angleterre du Moyen‑Orient, se sont empressés de mettre au pas leurs alliés britanniques et français8.
On en trouve la preuve dans le fait que, exactement à cette même date, l’URSS massacrait allégrement les Hongrois révoltés et que les USA se gardèrent bien de faire cesser cette hécatombe en menaçant symétriquement l’URSS de frappes nucléaires si elle continuait son œuvre de « pacification massive » en Hongrie.
Mais, en 1962, lors de l’affaire des missiles soviétiques de Cuba, la menace nucléaire des USA contraignit l’URSS à retirer lesdits missiles9. Tardif mais juste retour des choses.
Cependant, les USA ne peuvent que regretter, après avoir été les innovateurs techniques de l’arme nucléaire, de ne pas en avoir été les innovateurs diplomatiques, à l’occasion du Blocus de Berlin.
La gestion américaine du Blocus de Berlin a fait entrer le monde dans la Guerre Froide. Ce faisant, les USA ont confirmé l’entérinement de la transformation, de facto, des « Accords de Yalta » en « Partage de Yalta ».
Les victimes en ont été essentiellement les pays de l’est européen qui se sont retrouvés sous la coupe soviétique durant un demi siècle alors qu’un ultimatum « nucléaire » des USA aurait, peut‑être, contraint l’URSS à se retirer dans ses frontières.
Bien sûr, a posteriori, nul ne peut affirmer qu’un tel ultimatum aurait garanti les résultats escomptés.
Mais, il est aujourd’hui certain que cette hypothèse d’ultimatum ne fut, à l’époque, même pas envisagée par les USA en dépit d’un contexte qui leur était éminemment favorable.
Cette leçon de l’Histoire devrait inciter les USA à une plus grande modestie quant à leur capacité d’analyse des problèmes géostratégiques mondiaux…
7.Conclusion
Si les soviétiques avaient été éradiqués dès 1948, la Russie aurait pu connaître, comme le Japon, une évolution démocratique et économique toute autre de celle qu'elle a vécue.
Et le Poutine que nous connaissons ne serait jamais parvenu au pouvoir ! ! !...
N.B. : Ce qui vaut pour la Russie vaut également pour la Chine continentale à la même époque.
En 1948, Tchang Kaï-chek aurait pu reprendre le contrôle de toute la Chine continentale et en faire une démocratie.
Le problème de Taïwan n'existerait pas.
Des centaines de millions de vies auraient été épargnées durant la deuxième moitié du XXe siècle.
Le monde d'aujourd'hui serait très différent de ce qu'il est...
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1L’URSS ne procédera à son premier essai nucléaire qu’en août 1949, soit trois mois après la fin du Blocus de Berlin. Cet essai, annoncé dès août par les USA, ne sera confirmé qu'en septembre par l'URSS.
2Cette appréciation semble confirmée par le fait qu’en novembre 1950, le Président Truman et le Général Mac Arthur ont envisagé l’utilisation de l’arme nucléaire sur le champ de bataille coréen alors même que les USA ne disposaient plus du monopole nucléaire depuis août 1949.
3Celle‑ci ne s’achèvera qu’en 1989, lorsque Gorbatchev renoncera à l’affrontement politico‑militaire et lui préférera la compétition économique.
4En campagne électorale au moment du Blocus de Berlin. Élu le 2 novembre 1948.
5Une telle discrétion est en total désaccord avec sa décision antérieure, en 1945, de bombardement atomique du Japon ainsi qu’avec son option publique ultérieure d’usage possible de l’arme atomique durant la guerre de Corée, en 1950.
6Dans un documentaire, Jean Lacouture affirme « qu’ils » (lui-même ? les gouvernements britanniques ou/et français ?) n’ont jamais cru à la réalité de la menace soviétique. N’étant pas du sérail, je ne suis jamais parvenu à trouver une adresse me permettant de l’interroger plus avant sur les motivations de cette certitude.
7Par ailleurs, depuis le 31 octobre, les USA menacent la Grande‑Bretagne de couler la Livre Sterling à Wall Street.
8C’est sans doute cette humiliation française au Moyen‑Orient qui, ultérieurement, incitera le Général de Gaulle, lors de son retour au pouvoir, en 1958, à doter la France d’une force nucléaire de dissuasion.
9On n’apprendra qu’en 2001 que l’URSS disposait, au large de Cuba, de 3 sous‑marins dotés de torpilles à têtes nucléaires qui ne durent qu’à des problèmes techniques de ne pas être utilisées.