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SincéritéS

Immigration et Aide Publique au Développement

19 Septembre 2023 , Rédigé par Jean-Pierre Llabrés Publié dans #Aide Publique au Développement (APD) Économique

Dans la perspective d’un accroissement futur de l’immigration vers l’Europe, certaines personnes réfléchissent aux causes réelles de l’émigration de manière à y trouver des remèdes qui fixeraient ces populations dans leurs pays.

Les migrants quittent leur pays pour cause de guerre (remède difficile à trouver ; incontournable droit d’asile) ou pour absence de perspective économique du fait du sous-développement de leur pays trop souvent attribué à la corruption des gouvernants.

Mais, la corruption n’expliquant pas tout, d’aucuns prônent la mise en œuvre d’un grand programme d’aide au développement.

Cela n’a rien d’une idée nouvelle. En effet, depuis les indépendances, dans les années 1960, les pays développés n’ont cessé de financer de l’Aide Publique au Développement (APD). Actuellement, cette APD s’élève à près de 200 milliards d’Euros par an.

Or, malgré leur meilleure volonté, les pays bailleurs de cette APD ne sont pas sans reproches si les investissements consentis n’ont pas développé les pays aidés autant que souhaité.

Ainsi, dans le domaine que je connais le mieux, celui des produits vivriers vitaux pour les producteurs et les consommateurs, les politiques d’aide au développement ont été si absurdes (Offices de Commercialisation ou Marketing Boards et leurs réseaux de stockage pour procéder à de la régulation de marchés) qu’elles ont provoqué des catastrophes financières.

La base de l'analyse de départ était correcte : forte baisse des prix pour les agriculteurs à la récolte et forte hausse des prix pour les consommateurs hors de la période de récolte. D'où l'idée de faire de la régulation de marché et de créer des offices de commercialisation (marketing boards) pour acheter à la récolte pour soutenir les prix au bénéfice des agriculteurs et de vendre hors récolte pour réduire les prix pour soulager les consommateurs.

Ces offices de commercialisation (marketing boards) furent dotés de réseaux de stockage pour conserver les produits vivriers d'une récolte à la suivante. Mais la gestion de ces offices de commercialisation fut confiée à des fonctionnaires totalement incompétents en matière de commercialisation de produits vivriers.

Donc, ces organismes créèrent et accumulèrent des déficits financiers année après année que les bailleurs de fond d'aide publique au développement se lassèrent de renflouer. Durant la décennie 1980-1990, les offices se virent interdire la régulation de marché (jugée inacceptable par la Banque Mondiale) et, sous la pression de la Banque Mondiale et de la FAO (créatrice du concept), se limitèrent à la gestion de stocks de sécurité supposés moins coûteux que la régulation de marché.

Les capacités de stockage excédentaires furent vendues aux commerçants-grossistes et aux agro-industries seules entités à disposer de moyens financiers au contraire des agriculteurs....

Et les agriculteurs se retrouvèrent dans leur triste situation initiale ! ! !

Cela se passa au Togo où la Banque Mondiale m'envoya pour mettre en œuvre un stock de sécurité dont ses experts avaient analysé qu'il devait se substituait à Togograin qui faisait de la régulation de marché et creusait ses déficits.

J'entrepris ma propre analyse et constatais qu'en fait Togograin gérait déjà son affaire comme un stock de sécurité et qu'il perdait énormément d'argent.

Je démontrai que, s'il entreprenait rationnellement l'abhorrée régulation de marché de la Banque Mondiale dont les experts avaient failli, Togograin serait rentable.

Contrite, la Banque Mondiale ne me soutint que mollement face au président Gnassingbé Eyadema qui tenait à disposer d'un stock de sécurité même déficitaire dont on me demanda de réduire le déficit. Ayant démontré que la rentabilité était possible, je refusai de me limiter à une réduction de déficit. Je fus remercié...

J’ignore combien d’argent a coûté cette politique pendant plus de deux décennies...

Et cela, parce que les pays bailleurs de fonds d’APD n’ont pas apporté la réponse adéquate à une simple question : pourquoi les agriculteurs de produits vivriers des pays dits en développement ne reçoivent-ils pas une rémunération satisfaisante pour leurs récoltes ?

La réponse précise et exacte à cette question est la suivante :

Dans le monde, chaque année, au-delà de l'autoconsommation, les agriculteurs de produits vivriers récoltent plus de deux milliards de tonnes de produits vivriers qu’ils vendent sur le marché intérieur, initialement, intégralement et exclusivement puis qui font l’objet d’autres transactions par d’autres opérateurs sur le marché intérieur et à l'exportation.

Et la commercialisation sur le marché intérieur n'a rien d'un commerce équitable pour les producteurs ! ! !

En effet, dans les pays dits en développement, les agriculteurs sont trop pauvres pour disposer de la trésorerie nécessaire pour financer des capacités de stockage leur permettant de conserver leurs récoltes jusqu'à la récolte suivante et de pouvoir les vendre à meilleur prix tout au long de l'année. Ils sont contraints de les vendre (sauf leur autoconsommation) à bas prix juste après la récolte, raison pour laquelle les productions stagnent (revenus insuffisants pour investir dans le développement de la production).

Ces ventes massives à la récolte font chuter les cours et ! les commerçants-grossistes ainsi que les agro-industries qui disposent de stockages, achètent les produits vivriers à prix très réduits et, ensuite, réalisent des marges très considérables jusqu'à la nouvelle récolte.

Annexes :

1.1.Les producteurs du sud victimes du libéralisme. [Le Monde, 29 septembre 1992]
http://www.sincerites.org/article-les-producteurs-du-sud-victimes-du-liberalisme-le-monde-29-septembre-1992-39291111.html

1.2.Les produits vivriers doivent devenir des produits de rente !
http://www.sincerites.org/article-les-produits-vivriers-doivent-devenir-des-produits-de-rente-39291626.html

Dans le domaine des produits vivriers, tout est à reprendre de zéro ! ! !... Il y en a pour des décennies.

Depuis plus de 40 ans, je suis le seul au monde à professer en vain ce constat fondamental pour les agriculteurs de produits vivriers des pays dits en développement et à essayer, en vain, de le faire partager aux "élites" qui nous gouvernent et "gèrent" l'aide publique au développement économique...

J'ignore dans quels autres domaines interviennent les pays et organismes internationaux bailleurs d'APD. J'espère qu'ils sont plus efficaces que dans le domaine des produits vivriers.

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