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SincéritéS

Après Papon : Pinochet ? Fatalement !

15 Janvier 2001 , Rédigé par Jean-Pierre Llabrés Publié dans #Histoire

La libération de prisonniers âgés ayant accompli tout ou partie d’une longue peine ne présente pas de problème majeur. En va-t-il de même pour un prisonnier dont la condamnation n’intervient que lorsqu’il a atteint un âge avancé parce que les preuves n’apparaissent que très longtemps après la perpétration de crimes imprescriptibles ?

 

Il faut bien convenir que parmi les (incendiaires) avocats plaidant, aujourd’hui, en faveur de la libération de Papon, certains faisaient également partie, hier, des (pompiers) procureurs favorables à sa mise en jugement et, s’il s’avérait coupable, à son emprisonnement. À leurs yeux, les deux attitudes se justifient, respectivement, par l’implacabilité dont la Justice doit faire preuve puis par l’humanité qu’elle doit aussi manifester.

 

La mission de la Justice n’est pas de faire mourir quelqu’un en prison. Or, la condamnation de Papon à un emprisonnement de 10 ans correspondrait, de facto, à une condamnation à mort compte tenu de son grand âge. Pour ce motif, Papon devrait être libéré en raison de ses 91 printemps !

 

Ses victimes, elles, ont été privées de tout potentiel de vie depuis 1945, soit 55 printemps pendant lesquels Papon a mené une vie confortable ; socialement et matériellement. Il n’est donc pas très difficile de comprendre l’incompréhension des rescapés et des descendants des victimes quant à ce déséquilibre de la balance. Ils y verraient même de l’iniquité ?

 

Mais, cet argument ne suffit pas à ébranler la conviction de ceux qui versent des larmes de crocodile sur la mort éventuelle de Papon en prison.

 

De mauvais esprits pourraient leur rappeler que, si Papon avait eu le courage d’affronter la Justice bien plus tôt, il serait seulement question aujourd’hui (ou même hier) de sa libération après qu’il ait intégralement purgé son emprisonnement de dix ans. Peut-être même eût-il pu bénéficier, en sus des remises automatiques de peine, d’une grâce présidentielle.

 

Oublions cet argument qui pourra sembler spécieux et abordons le problème de sa libération après un emprisonnement effectif de moins de 18 mois (7,5 % de sa peine) en examinant le cas de prisonniers célèbres qui sont morts en prison à un âge avancé ; à défaut de canonique (au sens de : respectable).

 

Hess s’est suicidé en prison à l’âge de 93 ans alors qu’il avait purgé 41 ans d’une condamnation à perpétuité commencée en 1946. Barbie est mort en prison à l’âge de 78 ans alors qu’il n’avait purgé que 8 ans d’une condamnation à perpétuité seulement commencée en 1983. Touvier est mort en prison à l’âge de 81 ans alors qu’il n’avait purgé que 7 ans d’une condamnation à perpétuité seulement commencée en 1989.

 

Hess est un cas singulier car il fut incarcéré à 52 ans [1], dès le lendemain des crimes qui le firent condamner. Aucune grâce n’était envisagée pour lui, en dépit de sa longue détention et de son grand âge.

 

Papon se trouve dans la situation que connurent Barbie et Touvier : tous trois ont joui d’une longue période de liberté (minimum de 38 ans dans le cas de Barbie) entre la date de leurs crimes et celle de leur emprisonnement et de leur condamnation [2]. Rien ne permet d’éliminer l’hypothèse du bénéfice d’une grâce ou d’une libération anticipée [3], s’ils avaient été emprisonnés plus tôt et s’ils avaient, donc, accompli une part importante de leur peine. Il est absolument certain que l’incarcération tardive de Barbie et Touvier est la cause de leur décès en prison.

 

Mais, Papon se distingue des deux autres tristes sires car ceux-ci se savaient, dès la fin de la guerre, condamnés, par contumace, au moins à la réclusion perpétuelle, voire condamnés à mort. Papon, lui, a bénéficié de la liberté, d’une réelle tranquillité d’esprit et des honneurs de la République, depuis la date de son crime jusqu’à quasiment sa mise en jugement.

 

Il y a donc lieu de faire un distinguo entre les prisonniers âgés, ayant une longue incarcération derrière eux, et Papon, vieillard, certes, mais très récemment incarcéré.

 

En dépit de cela, il est parfaitement possible que Papon soit libéré aux motifs qu’il a été condamné pour son crime, qu’il est mis au ban de la société et que, vu son grand âge, le maintien en détention correspond à une lente condamnation à mort.

 

Si cela advient aujourd’hui en France, nul doute que le problème se posera également demain au Chili où Pinochet n’est pas encore mis en jugement ni, bien sûr, condamné. Mais, s’il l’est un jour, il est fatal que, fort de ses 86 ans (cette année), il se trouvera de belles âmes et de grands humanistes pour demander également sa libération pour les mêmes motifs. À ces partisans [4], il est encore possible d’offrir un dernier argument.

 

Bien sûr, nous savons tous que Papon, comme Pinochet, a assumé son crime et a fait acte de repentir. Nous savons tous qu’ils sont, l’un comme l’autre rongés par le remords. Bref, nous savons tous que leur libération d’une prison ordinaire n’aura pour effet que de les enfermer dans une cage dorée (qu’ils peuvent s’offrir [5]) dont ils ne pourront jouir de la sérénité tant leur sentiment de culpabilité les taraudera jusqu’à leur mort.

 

Que vaut cet argument ? Par sa fuite en Suisse, sous une fausse identité, Papon a démontré toute la profondeur de sa contrition ! ! !


Post-Scriptum

Le 25 juillet 2002, la France est condamnée, à l’unanimité, par la Cour européenne des droits de l’homme pour procès inique.

Papon est libéré, le 18 septembre 2002, pour raisons médicales...

 

Notes :

[1] 46 si l’on compte à partir de sa capture en Grande-Bretagne en 1941.

[2] En étant physiquement présents sur le banc des accusés.

[3] Au nom, justement, de l’humanité exigée de la Justice en faveur de Papon.

[4] Sans ironie aucune, bien évidemment.

[5] Pendant son procès, Papon n’a-t-il pas logé dans un hôtel 3 étoiles (pas de David) ?

 

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