Identification aux personnages ou aux comédiens ?
29 Novembre 2009 , Rédigé par Jean-Pierre Llabrés Publié dans #Culture
Comme beaucoup, sans doute, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, il m'arrive de m'identifier aux personnages d'un film. Ce phénomène banal me conduit, tout naturellement, à éprouver,
irrationnellement (car le comédien n'est pas le personnage qu'il incarne), plus ou moins d'empathie pour les comédiens incarnant lesdits personnages.
À ces moments-là, je me retrouve sur le fil du rasoir.
Demeurer dans les limites de l'identification raisonnable aux personnages ne présente aucun inconvénient particulier. Je reste à ma place en tant que spectateur (admiratif et distant) des
personnages et des comédiens qui les interprètent. Et, vis-à-vis des comédiens, j'estime ne posséder aucun droit d'avoir à connaître de leur vie privée au sens le plus général du terme.
Franchir les limites de l'identification raisonnable aux personnages conduit à des débordements de curiosité parfaitement inadmissibles, obscènes, vis-à-vis des comédiens, de la part du
spectateur, et de celle des comédiens, vis-à-vis du spectateur, quand ils se prêtent à ce jeu malsain.
Dans ces conditions, le spectateur souhaite tout connaître de la vie privée des comédiens : état civil, (mariage, divorce, enfants, liaisons), loisirs, sexualité, et caetera ; j'en passe et des
meilleures. Cela conduit à un déballage généralement peu ragoûtant, indécent, qui peut conduire à des excès parfois gravissimes.
Le pire dans tout cela est que cette curiosité malsaine est totalement improductive. À quoi peut-il bien servir à un spectateur de savoir que Rock Hudson était homosexuel ? Connaître cette
information particulièrement privée permet-elle au spectateur de moins ou plus apprécier la prestation du comédien dans un rôle d’amoureux (hétérosexuel) ? L’essentiel n’est-il pas que sa
prestation soit convaincante ? Si cela me paraissait véritablement intéressant, je pourrais probablement présenter d’autres exemples...
En réalité, cette curiosité de certains spectateurs (la majorité ?) est induite par le fait que, ne faisant plus la distinction entre les rôles et les comédiens, le spectateur s’illusionne de
l’idée qu’il est une relation, un ami, de ces comédiens. Dès lors, il lui paraît naturel de tout savoir de ses « amis ».
Si cette amitié était une réalité, il serait parfaitement légitime que, d’ami à ami, soit partagé nombre de confidences. Par exemple, il serait parfaitement normal que l’authentique ami d’un
comédien (ou d’une comédienne) s’inquiétât de la manière, plus ou moins difficile, dont il aurait passé une journée de tournage, de travail (comme tout un chacun), sachant que ce comédien vit
un drame particulièrement atroce dans sa vie privée (Roland Giraud, par exemple ; remarquable de pudeur) ou qu’il souffre d’une grave maladie...
Mais, de cela, le spectateur lambda se trouve à des années-lumière et n’a donc aucune légitimité, par admiration, à se réclamer d’une illusoire amitié avec une « star » pour avoir
« droit » à tout connaître d’elle.
Il est extrêmement probable que ces lignes ne changeront en rien le comportement de ces spectateurs qui outrepassent l’identification aux rôles et parviennent à l’identification aux comédiens.
Mais, au moins, elles devraient, je l’espère, conforter tous ceux qui savent de cantonner dans une décente identification aux rôles. Sans, pour autant, mépriser les comédiens.
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