La fin de l'Histoire ? Certainement pas avant très longtemps, Monsieur Fukuyama !
1. Avance ou retard ?
Francis Fukuyama est célèbre de par le Monde depuis la publication, en juin 1989 (1), de son article « La fin de l'Histoire ? » qui fit couler beaucoup d'encre. En 1999, il revisita ce fameux article en rédigeant « La fin de l'Histoire dix ans après » (2). Cela donne à penser que Francis Fukuyama pourrait y revenir, une fois encore, en 2009. Je suis donc en avance de près de 8 ans sur cette hypothétique échéance...
... ou très en retard. Car, je dois à la vérité de dire que, si j'avais bien entendu parler du premier article de Francis Fukuyama, en 1989, je ne l'avais pas lu, ainsi que son suivant, avant aujourd'hui. Mais, au regard d'un texte dont l'auteur considère que l'Histoire est achevée, mon retard de réaction a-t-il quelque importance ? Tout fait postérieur à 1989 se situant hors l'Histoire !
2. Le concept hégélien
Sans avoir la renommée des centaines d'exégètes (sic) (3), et opposants, que se compte lui-même Francis Fukuyama, au moins ai-je l'avantage d'avoir compris qu'il utilisait le mot « Histoire » dans son acception hégélienne : l'évolution progressive des institutions humaines, politiques et économiques.
Ainsi, le jeune Hegel voyait dans la victoire de Napoléon, à Iéna, la victoire des idéaux de la Révolution française et l'universalisation imminente d'un État qui réaliserait les principes de la liberté et de l'égalité. L'Histoire avait [donc] connu son achèvement en 1806 [et], bien qu'il restât un travail considérable à faire (abolir l'esclavage et la traite des esclaves, étendre le droit de vote aux ouvriers, aux femmes, aux Noirs et aux autres minorités raciales, etc.) les principes fondamentaux de l'État démocratique libéral n'avaient plus à être améliorés.
En somme, quand un concept est universellement admis, c'est la Fin de l'Histoire et, ceci, indépendamment de l'immense tâche restant à accomplir pour que son universalité soit effective. Cette tâche ne serait que péripétie posthistorique ! Dont acte. Et tant pis pour tous ceux qui ne vivent pas en Démocratie : ils doivent se satisfaire de l'idée que, son concept étant universellement admis, Alléluia !, leur combat pour l'atteindre est hors de l'Histoire ; qu'ils y parviennent ou non... Quel réconfort !
Signalons, au passage, que Beethoven, lequel n'avait certainement pas la pertinence politique de Hegel, son contemporain, avait prévu de dédier sa Troisième Symphonie à Bonaparte, en 1804. Quand il apprit que celui-ci venait de se proclamer Empereur Napoléon, Beethoven déchira la couverture de la partition. Finalement, il dédia cette ouvre au prince Lobkowitz, sous le nom de Symphonie Héroïque (4).
3. Erreur de Hegel ou de Fukuyama ?
Revenons au fait (?) que l'Histoire s'est (déjà) achevée en 1806. Dans cette hypothèse, quelle est la logique permettant à Francis Fukuyama de nous dire : « Il se peut bien que ce à quoi nous assistons, ce ne soit pas seulement la fin de la Guerre Froide ou d'une phase particulière de l'Après-guerre, mais à la fin de l'Histoire en tant que telle : le point final de l'évolution idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la Démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement humain » ?
Il n'existe aucune logique à ce propos. En effet, à supposer que le concept hégélien soit exact, l'Histoire se serait déjà achevée en 1806 et, dans ce cas, il lui était impossible de s'achever à nouveau en 1989 comme l'annonçait Francis Fukuyama qui, par ses prémisses mêmes, se situait hors l'Histoire.
De ce qui précède, il ressort que Hegel était dans l'erreur puisque Francis Fukuyama pouvait nous annoncer (encore) la fin de l'Histoire, en 1989. Or, pour ce faire, ce dernier s'appuie sur le premier, qui ne se serait donc pas trompé, sans se rendre compte que, de ce seul fait, sa nouvelle annonce s'avère fausse et ne relève plus que de la redondance avec celle déjà faite par Hegel qu'il a adoptée.
Il y a là comme une sorte de cercle vicieux. Laissons Francis Fukuyama s'accorder avec les mânes de Friedrich Hegel ! Au-delà de l'Histoire, il y a tout lieu de croire que leur discussion durera une Éternité. Mais il n'est pas certain qu'elle sera passionnante.
4. L'amalgame politico-économique de Fukuyama
En réalité, si, comme le postule Francis Fukuyama, Hegel était dans le vrai, il n'y avait pas à revenir, deux cents ans après, sur les péripéties et les turpitudes dues aux régimes communistes, depuis le début du XXème siècle [toujours d'actualité (5)] et, sur la base perceptible d'un potentiel renoncement à leurs aberrations politiques et économiques, prédire la fin de l'Histoire. D'un point de vue hégélien, ils ne constituaient que des turbulences, presque des épiphénomènes, sur la voie de la grande marche en avant vers la Démocratie.
Admettons que la conception hégélienne soit exacte (6). Dans cette perspective, de quelle Histoire Francis Fukuyama nous annonçait-il la fin ?
Selon lui, nous aurions donc atteint le point final de l'évolution idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la Démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement humain. Il est étonnant que cette phrase ne contienne aucune référence au système économique : elle se cantonne strictement au domaine politique. Pourtant, toute la réflexion de Francis Fukuyama se nourrit, dès 1989, des changements prévisibles, en URSS et dans tous les pays de l'Est, grâce à l'instauration de la Glasnost et de la Perestroïka par Gorbatchev.
Or, comme le note Francis Fukuyama lui-même, Gorbatchev était plus attaché à la réforme économique qu'à la réforme politique. Ce ralliement économique à des concepts proches de ceux de l'économie libérale a toujours été clairement revendiqué par Gorbatchev. En revanche, s'agissant de réformes politiques, plus par réelle conviction que par prudence, contrairement à ce que croit Francis Fukuyama, Gorbatchev était beaucoup plus partisan du « changement dans la continuité » que de l'instauration d'une véritable Démocratie. Il n'a d'ailleurs agi, en matière politique, que sous la pression des événements, comme par inadvertance ; sachant que toute reculade politique le priverait de l'aide financière des pays occidentaux dont il avait besoin pour procéder à sa réforme économique.
En somme, toujours selon le concept hégélien, Hegel nous annonçait la fin de l'Histoire Politique tandis que Francis Fukuyama nous annonce la fin de l'Histoire Économique ! Notons, au passage, que le titre de son article de 1989 s'accompagne d'un « ? » que le corps du texte oublie bien vite et remplace, implicitement, par des « ! ».
Ceci ne justifie donc, en aucune manière, la référence de Francis Fukuyama à la seule universalisation de la Démocratie libérale occidentale. Sauf à y intégrer l'économique. Pourtant, Francis Fukuyama se refuse clairement à cet amalgame : Je tiens ici à éviter le déterminisme matérialiste selon lequel l'économie libérale produit inévitablement une politique libérale [et réciproquement] car je crois qu'aussi bien l'économie que la politique présupposent un état de conscience préalable qui les rend possibles l'une et l'autre [pour éviter toute équivoque, personnellement, j'aurais dit : l'une ou l'autre].
En dépit de cela, tout au long de son article de 1989, Francis Fukuyama reproduit cet amalgame entre le politique et l'économique. Par exemple :
En d'autres termes, y a-t-il dans l'existence humaine quelques « contradictions » fondamentales qui ne peuvent se résoudre dans le contexte du libéralisme moderne et qui pourraient se résoudre dans une autre structure politico-économique ?
Ou :
Au cours de ce siècle, le libéralisme a connu deux défis majeurs, celui du fascisme et celui du communisme (7).
Ou, encore :
La première doctrine opposée au libéralisme à être vaincue en Asie de façon décisive, ce fut le fascisme du Japon impérial.
Et, pour terminer :
Le simple fait qu'existât en Asie une Chine communiste y avait créé un pôle d'attraction idéologique qui, en tant que tel, constituait une menace pour le libéralisme.
À l'évidence, Francis Fukuyama procède à une utilisation abusive du mot « libéralisme » dans laquelle il amalgame politique et économique. Implicitement, il en fait un lot indissociable. Dans son acception, il peut légitimement opposer « libéralisme » à « communisme » car, dans ce cas de figure, les libéralismes économique et politique du premier s'opposent au totalitarisme politique et à l'économie planifiée du second.
Mais, s'agissant du fascisme, cet amalgame nuit gravement à la clarté de son propos. En effet, s'il ne fait aucun doute que le libéralisme politique des démocraties s'opposait au totalitarisme des pays fascistes, il est tout aussi clair que le libéralisme économique présidait aux destinées des pays démocratiques comme à celles des pays fascistes. Aussi choquant que cela puisse paraître, les uns et les autres ne s'opposaient réellement que sur le plan de la liberté politique mais partageaient un ennemi commun, le communisme, essentiellement en raison de son économie planifiée.
Par ailleurs, signalons également que Francis Fukuyama relève qu'en Asie le libéralisme politique a suivi le libéralisme économique, introduisant, de facto, le lien (réciproque) qu'il se refuse formellement à instaurer (cf. supra). Or, bien des exemples apportent la preuve qu'il n'existe aucun lien de cause à effet et de réciprocité entre libéralisme politique et libéralisme économique : Espagne de Franco (années 60), Chili de Pinochet (milieu des années 70), Afrique du Sud de l'apartheid (avant 1990), etc.
Bien entendu, il ne s'agit pas de prétendre que la prospérité économique est préférable à la démocratie politique. Bien au contraire ! Les deux sont également souhaitables. Toutefois, il convient de préciser que le passage de la dictature à la démocratie ne s'accompagne pas, automatiquement et à la même vitesse, de la prospérité économique. Loin s'en faut ! D'où, bien souvent, de cruelles désillusions économiques lors du retour à la liberté politique : cf. ex-URSS et satellites.
Enfin, si Francis Fukuyama était parvenu à éviter cette confusion dans le langage, il n'aurait pas pratiqué cet amalgame, involontaire mais permanent, entre le politique et l'économie. Alors, il aurait annoncé, non pas la fin de l'Histoire absolue mais « la fin de l'Histoire économique » tout comme Hegel avait annoncé la fin de l'Histoire politique, sans cependant avoir fait, lui non plus, le distinguo entre politique et économie.
5. Défaut de perspective de Fukuyama
Au-delà de toutes ces considérations (superflues ?, futiles ?) sur l'aspect hégélien (8) de son propos, Francis Fukuyama n'avait pas tort dans son analyse globale de l'évolution effective et potentielle de l'universalisation progressive du « modèle » économique libéral.
Plus prosaïquement, Francis Fukuyama aurait pu résumer cette amorce d'universalisation en paraphrasant la célèbre phrase de Churchill sur la Démocratie : « Le libéralisme économique est le pire des systèmes. à l'exception de tous les autres ! ».
Mais, s'il n'avait pas globalement tort, il n'en allait pas de même dans le détail. Cette critique ne se base pas sur des connaissances a posteriori mais sur celles disponibles en 1989.
Francis Fukuyama indique que les réformes économiques ont d'abord eu lieu en Chine, à partir de 1978 (décollectivisation de l'agriculture), puis, ultérieurement en URSS. En effet, Gorbatchev ne parvient au pouvoir suprême qu'en mars 1985 mais, dès ce moment-là, met en ouvre la Glasnost ainsi que la Pérestroïka.
Au moment où Francis Fukuyama écrit son article, le Printemps de Pékin et sa répression n'ont pas encore eu lieu ; il s'en faut de quelques mois. Or, en dépit de l'absence d'un quelconque signe de forte protestation provenant de Chine et tandis que, depuis plusieurs années, Gorbatchev a entrepris ses réformes, Francis Fukuyama retient l'hypothèse de la disparition du marxisme-léninisme d'abord en Chine puis en URSS. En outre, précise-t-il, il est difficile d'être très optimiste quant aux chances de succès des réformes de Gorbatchev, que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine politique.
Cette dernière prise de position est d'ailleurs faite sans aucune argumentation autre que : Mais mon propos, ici, n'est pas d'analyser les événements à court terme. Cela semble bien léger au regard de telles prédictions. En effet, en 1989, en Chine, il n'existe pas une aussi forte volonté réformatrice que celle affichée par Gorbatchev en URSS. L'immense majorité des observateurs table, alors, à plus ou moins long terme, sur de réels bouleversements en URSS mais n'attendent pas grand-chose en Chine.
Bien sûr, il y aura le Printemps de Pékin contre un régime qui le réprimera sans concession : il y a donc une surévaluation des réformes en Chine de la part de Francis Fukuyama.
Au Printemps de Pékin répondra, quelques mois plus tard, la chute du Mur de Berlin que, nolens volens, Gorbatchev s'abstiendra d'empêcher et qui engendrera, inéluctablement, la réunification allemande onze mois plus tard.
Il fut déjà dit, précédemment, que Gorbatchev concevait sa réforme comme beaucoup plus économique que politique : son objectif était de mettre l'URSS en situation de compétitivité économique avec les pays occidentaux. Mais, probablement par erreur d'analyse, il s'est laissé déborder progressivement sur le plan politique et, pour ne pas perdre sa crédibilité vis-à-vis de ses interlocuteurs occidentaux dont il souhaitait l'aide financière nécessaire à sa réforme économique, il n'a pu que laisser faire l'émancipation politique interne et externe (pays satellites) qu'il était en mesure d'interrompre. Combien redoutaient alors une brutale interruption de ce processus ? Comme elle n'eut pas lieu, pour les raisons indiquées, il ne pouvait qu'en aller de même s'agissant, ultérieurement, de la réunification allemande.
Indépendamment de ces faits, ultérieurs à la publication de son article, le pari de la disparition du marxisme-léninisme en Chine, d'abord, puis en URSS, relève d'un surprenant défaut de perspective dans l'analyse de la réalité de 1989 de la part de Francis Fukuyama.
Enfin, aujourd'hui, quand on constate la situation politique et économique de la Russie, on peut être tenté d'y voir la pertinence de Francis Fukuyama, dès 1989, lorsqu'il disait : il est difficile d'être très optimiste quant aux chances de succès des réformes de Gorbatchev, que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine politique. Il convient de rappeler que ce pessimisme relevait de l'affirmation et non pas de l'argumentation raisonnée et étayée.
En réalité, la situation actuelle de la Russie est la conséquence de la précipitation avec laquelle il fut procédé aux réformes politique et économique. Tout d'abord, on s'est abstenu de prendre en compte que, toujours, le passage du totalitarisme à la démocratie peut se faire relativement vite tandis que celui de l'économie planifiée à l'économie de marché, s'il peut se faire aussi rapidement, ne peut porter de véritables fruits dans les mêmes délais et accentue, voire fait apparaître des inégalités sociales préjudiciables à la stabilité démocratique.
Quiconque s'est rendu en ex-URSS, même dans les années 1990, et en a étudié la structure économique peut se rendre compte que, en raison de la complexité de son organisation, jusqu'à l'aberration, il était malgré tout dangereux d'en faire brutalement table rase et d'y plaquer une organisation économique libérale. Il aurait fallu s'astreindre à, d'abord, étudier le détail de cette économie planifiée puis, sur la base de sa réelle compréhension, la transformer progressivement, mais aussi vite que possible, en économie marchande en la réformant sur les points essentiels préalablement, et judicieusement, déterminés.
Cela n'a pas été fait et, à la médiocrité économique et sociale presque équitablement répartie, on a substitué une inégalité économique et sociale considérable ainsi qu'une moindre performance économique globale. Pour s'en convaincre, il n'est que de se demander comment ont pu apparaître les milliardaires et le banditisme multiforme russes !
Il est possible de voir, dans ce phénomène, la volonté délibérée des pays occidentaux d'affaiblir économiquement un ancien ennemi. Si tel était le cas, on pourrait en regretter le cynisme, certes, mais on ne pourrait qu'être admiratif devant la mise en place d'une stratégie et la réussite de sa mise en ouvre. Hélas (?), on ne doit ce résultat, peut-être favorable, à court terme, aux pays occidentaux qu'à l'inconscience, voire à l'inintelligence.
En effet, c'est avec un réel et sincère souci de bien faire que fut procurée de l'assistance technique à la Russie de manière à rendre plus productives les ressources financières dégagées pour sa mise à l'heure de l'économie de marché. Mais, cette assistance technique s'est déployée dans le désordre et la précipitation ainsi que dans la méconnaissance de l'organisation économique à réformer. Comme exemple de ces affirmations, on peut indiquer qu'au début de ses interventions d'assistance technique à l'Est, l'Union Européenne, en l'absence de stratégie réelle en la matière, finançait des projets d'assistance technique proposés par des Bureaux d'Études qui avaient flairé le bon filon.
6. Anachronisme et angélisme de Fukuyama
En matière de relations internationales, Francis Fukuyama s'interroge sur ce qu'implique « La fin de l'Histoire ». Entre autres, il nous rappelle que, selon certains, comme Charles Krauthammer, par exemple, si l'URSS, par suite des réformes gorbatchéviennes, était débarassée de l'idéologie marxiste-léniniste, son comportement redeviendrait celui de la Russie impériale du XIXème siècle. Tout en trouvant cela plus rassurant que la menace représentée par une Russie communiste, Charles Krauthammer donne à entendre qu'il y aurait alors une concurrence et des conflits considérables, comme ceux qui existaient, au siècle précédent, par exemple, entre la Russie et la Grande-Bretagne ou l'Empire allemand.
Francis Fukuyama ne partage pas l'opinion de Charles Krauthammer : l'hypothèse selon laquelle la Russie, une fois débarrassée de son idéologie communiste expansionniste, retournerait à son comportement de l'époque des tsars juste avant la révolution bolchévique, cette hypothèse-là est donc assez bizarre. Francis Fukuyama, comme l'intelligentsia groupée autour de Gorbatchev, décrit un monde dominé par des préoccupations économiques, dans lequel il n'existe pas de raisons idéologiques pour un conflit majeur entre nations et dans lequel, par conséquent, le recours à la force militaire devient moins légitime. N'est-ce pas de l'angélisme que de croire que des préoccupations économiques ne sauraient légitimer un conflit majeur ?
Le plus bizarre en cette affaire est que, tant Charles Krauthammer que Francis Fukuyama, semblent ignorer que l'expansionnisme soviétique, incarné par le Komintern, ne s'est jamais substitué à l'expansionnisme tsariste mais, au contraire, s'est ajouté à lui.
Aussi, la Russie, débarrassée de son idéologie communiste expansionniste, ne se retrouvera-t-elle qu'avec son comportement de l'époque des tsars. Non point par nostalgie de l'époque impériale mais, beaucoup plus prosaïquement, parce qu'elle ne saurait s'affranchir de ses données géostratégiques géographiques et historiques fondamentales et incontournables.
À cela il convient d'ajouter que ces données, dont certaines ont changé du fait de l'évolution historique en Europe et dans le Monde, notamment depuis la fin du deuxième conflit mondial, entraîneront une actualisation de la géostratégie russe prenant en compte lesdites évolutions.
Par exemple, au titre de ces évolutions, Francis Fukuyama ne mentionne pas une fois la force de dissuasion nucléaire qui, malgré de réels conflits idéologiques et économiques, fut, depuis l'Après-guerre, le seul garant de l'impossibilité de déclenchement d'un troisième conflit mondial. On ne peut que regretter que cet argument n'ait pas été en mesure d'empêcher nombre de conflits régionaux. En dépit de cela, c'est bien cet instrument qui interdirait le retour de la concurrence et des conflits considérables, comme ceux qui existaient, au siècle précédent, par exemple, entre la Russie et la Grande-Bretagne ou l'Empire allemand auquel pense Charles Krauthammer.
En conséquence, le modèle de comportement proposé par les grandes puissances du XIXème siècle est devenu tout à fait anachronique. La forme la plus extrême de nationalisme dont ait fait montre un État européen occidental depuis 1945, ce fut le gaullisme, dont l'affirmation de soi s'est essentiellement limitée à des chicanes politiques et culturelles.
Ce modèle est effectivement anachronique. Mais, pas pour la raison à laquelle pense Francis Fukuyama, à savoir : généralisation européenne de la démocratie et de l'économie de marché ; deux concepts supposés exclusivement pacifiques. En réalité, tout conflit entre pays européens est effectivement inenvisageable en raison des systèmes de dissuasion nucléaire. Dont celui construit par le Gaullisme, lequel ne s'est pas limité à des chicanes politiques et culturelles (9), que nombre d'intellectuels français oubliaient dans leurs analyses, avant la réunification allemande, quand ils se demandaient « Faut-il avoir peur de la Grande Allemagne ? », prouvant en cela qu'ils raisonnaient sur des bases d'avant-guerre.
Prenons au sérieux la théorie dite « néo-réaliste » : il faudrait imaginer que le comportement concurrentiel « naturel » des nations se réaffirmerait entre les États de l'OCDE si la Russie et la Chine [communistes] disparaissaient de la surface de la terre. L'Allemagne occidentale et la France s'armeraient l'une contre l'autre comme dans les années 30, l'Australie et la Nouvelle-Zélande enverraient des conseillers militaires pour bloquer réciproquement leurs progrès en Afrique, et la frontière entre les Etats-Unis et le Canada se hérisseraient de fortifications.
Bien entendu, une telle perspective est ridicule, nous dit Francis Fukuyama sans, toutefois, apporter d'autre démonstration que l'évidence. Puis, il poursuit : la menace marxiste-léniniste disparue, on assistera plutôt à une extension du Marché commun à la politique mondiale qu'à une désintégration de la CEE avec retour à la rivalité entre États à la manière du XIXème siècle.
Ah, les vertus pacifiques du Marché ! Selon Francis Fukuyama, elles sont plus fortes que tout système de dissuasion nucléaire ! D'autant plus fortes que ce dernier est inexistant à ses yeux : il n'en mentionne même pas l'existence. Pas même pour en dénoncer le coût prohibitif, pour le contribuable et le Marché, au regard d'une efficacité qu'il lui dénie implicitement en l'ignorant absolument.
Cette impasse sur le caractère majeur et vital de la force de dissuasion nucléaire, de la part de Francis Fukuyama, frappe d'un anachronisme certain sa propre analyse. Certes, comme son texte sous-entend, implicitement, que l'économie de marché ne se traduit qu'en termes de compétition pacifique, on peut comprendre qu'il passe sous silence un tel pan de la réalité. Au risque évident de se voir accusé de mauvaise foi. Ou pire !
7. Considérations connexes
La religion
Pour Francis Fukuyama, il est indéniable que le vide [la vacuité spirituelle] qui réside au cour du libéralisme est une faiblesse idéologique. Sans autre argument que cette seule affirmation que l'on peut nier.
Un agnostique, ou un athée, ne s'embarrasse pas de cette préoccupation : il admet l'incompréhensibilité (temporaire ?) de l'Univers et accepte de vivre dans une sorte d'absurdité du monde. Ceci ne signifie absolument pas l'inexistence de leur spiritualité. D'une certaine manière cette attitude participe de la foi, tout comme l'adhésion à une religion. Cependant, sauf dans les régimes communistes, elle ne s'est jamais érigée en dogme imposable à tous ; à l'inverse des religions, bien trop souvent.
Agnosticisme, athéisme et religion relèvent tous de la croyance et, révélation mise à part, aucun ne peut se prévaloir d'une démonstration qui légitimerait son universalisation. En dépit de cela, de tous découlent des concepts moraux, parfois divergents, que les États démocratiques laïcs sont les seuls à pouvoir concilier, permettant ainsi la liberté de culte et la liberté individuelle.
Tant que l'Humanité ne saura pas répondre à l'ultime « pourquoi ? », aucune idéologie, même libérale, ne saurait être taxée de vacuité spirituelle. Pour un agnostique, ou un athée, la même vacuité spirituelle peut être attribuée à quelque système religieux que ce soit tant qu'il ne sera pas en mesure de démontrer, au sens rationnel du terme, ce qu'il avance.
Ainsi, l'Humanité doit simplement se résigner à continuer de vivre avec son éternelle quête de l'ultime explication et, en attendant de la trouver, ne laisser aucune spiritualité perturber les règles démocratiques ou tenter de s'y substituer.
En attendant, on n'est pas près de s'entendre annoncer « la fin de la Spiritualité » ; au sens hégélien du terme !
Le nationalisme
Francis Fukuyama affirme que l'autre « contradiction » majeure potentiellement insoluble dans le cadre du libéralisme [politique ?, économique ?], c'est celle que présentent le nationalisme et d'autres formes de conscience raciale et ethnique. Bien entendu, comme pour ce qui est de la religion, il affirme, une fois encore, sans argumentation ou démonstration.
Cependant, Francis Fukuyama pose là un vrai-faux problème. En effet, il indique qu'une gande partie des tensions ethniques et nationalistes dans le monde peut s'expliquer par le fait que des peuples sont obligés de vivre à l'intérieur de systèmes politiques non représentatifs qu'ils n'ont pas choisis.
Cela revient à dire qu'une Démocratie digne de ce nom le devient véritablement quand elle parvient à faire coexister pacifiquement, et de leur plein gré, des ethnies et des cultures différentes par l'adhésion au respect mutuel de la liberté individuelle. Le nationalisme ne serait donc pas une « contradiction fondamentale » ; pas plus que la religion, l'agnosticisme ou l'athéisme.
Le modèle américain
Tout au long de cet article, on ne note qu'une seule critique à l'égard des USA : Mais quel que fût le fondement idéologique particulier, toute nation « développée » croyait au droit des civilisations supérieures de gouverner les inférieures : c'était également, soit dit en passant, l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis des Philippines. On a envie de demander : « Où encore ? ». Par ailleurs, sachant que Marcos a été déposé depuis février 86, Francis Fukuyama donne à penser, en 89, que cet épisode a clos ce fâcheux épisode de l'Histoire des USA.
Pour le reste, on peut noter plusieurs citations invitant implicitement à souscrire pleinement au modèle américain :
Au cours de la dernière décennie, on a assisté à des changements manifestes dans le climat intellectuel des deux plus grands pays communistes du monde et au début de mouvements de réforme importants dans l'un et dans l'autre. Mais ce phénomène dépasse de beaucoup le domaine politique ; on peut le constater à la diffusion inéluctable de la culture de consommation occidentale. Culture et consommation : antinomiques ?
L'égalitarisme des Etats-Unis représente au fond la réalisation de la société sans classes envisagée par Marx.
Et ce qui est encore plus important, c'est la contribution que le Japon a apportée à l'histoire mondiale en suivant les traces des Etats-Unis dans la création d'une culture de consommation véritablement universelle, qui est devenue à la fois un symbole et un support de l'État homogène universel.
Sans commentaire.
Effluves nauséabondes
Francis Fukuyama précise que Les pensées bizarres qui peuvent traverser l'esprit de certaines personnes en Albanie ou au Burkina Faso importent fort peu à notre propos : ce qui nous intéresse, c'est ce qu'on pourrait appeler l'héritage idéologique commun de l'humanité. Cette formulation est surprenante. Il aurait pu dire « ici ou là » au lieu de mentionner l'Albanie (communiste) et le Burkina Faso (émergent). Le fait de mentionner ainsi le communisme et le sous-développement, comme par hasard et alors que son propos aurait été tout aussi clair avec « ici ou là », fait naître un malaise chez le lecteur. Par exemple, concernant les pays sous-développés d'Afrique, cette phrase donne à penser qu'il n'y a pas lieu d'espérer voir surgir des idées pertinentes en matière de développement dans ces pays. Si cette interprétation n'est pas outrancière, il y a lieu de préciser que nombre d'organisations internationales et occidentales d'aide au développement, dont l'US AID, sévissent depuis des décennies en Afrique, et ailleurs, qu'elles ont proposé, sinon imposé, divers modèles de développement lesquels se sont avérés inopérants et de véritables gouffres financiers. Alors, la stérilité intellectuelle des pays émergents.
8. Ultime contradiction du libéralisme économique ?
Préjuger de « la fin de l'Histoire économique », c'est postuler que, au moins en principe, sont résolues toutes les contradictions fondamentales de l'économie de marché. C'est, aussi, postuler l'incapacité du génie humain à faire ressortir une contradiction fondamentale de l'économie de marché, qui aurait échappé à l'analyse jusqu'à ce jour, ainsi qu'à y apporter une solution universellement acceptable.
Dans cette perspective, Francis Fukuyama assure que la contradiction entre le capital et le travail, avec son corollaire, la lutte des classes, a été résolu en Occident ; bien entendu, dans le cadre de la Démocratie et de l'Économie de marché.
Curieusement, cette dernière étant apparemment génératrice de richesses [oui] et de leur réelle répartition équitable [non], on s'étonne que Francis Fukuyama ne mentionne pas les obstacles qui sont faits au libéralisme économique absolu. À première vue, il se devrait de réclamer la levée de ces obstacles de régulation, qui existent jusqu'aux USA, afin que l'économie de marché, totalement libérée, puisse donner la pleine mesure de son efficacité en rendant compatibles : compétitivité et cohésion sociale ; compétitivité et solidarité.
Ce serait faire insulte à l'intelligence de Francis Fukuyama que de penser qu'il serait parfaitement inconscient de l'iniquité qui demeure entre capital et travail, c'est-à-dire entre indépendants (employeurs) et dépendants (salariés). Tablons qu'il ne l'est pas et que, bon gré, mal gré, il accepte la poursuite d'une certaine régulation du libéralisme économique, « ma non troppo » en quelque sorte, afin de pallier la carence de ce système en matière d'iniquité sociale qui, sans doute, demeure son ultime contradiction fondamentale et dont, ni les bénéficiaires, ni les victimes, n'ont encore trouvé la solution.
Pourtant, la régulation existante, si elle n'est pas trop handicapante pour les entreprises, s'agissant de l'organisation du cadre dans lequel elles exercent leur activité, est réellement problématique lorsqu'il s'agit d'agir directement dans le domaine de l'équité sociale.
En effet, cette régulation ne se fait que par des prélèvements fiscaux, sur les entreprises et les particuliers, en vue d'une redistribution en faveur des défavorisés. Ce mode opératoire, s'il réduit la pression sociale, ne remédie en rien aux causes des tensions sociales qui, périodiquement, se manifestent par des revendications pour l'obtention d'un accroissement des rémunérations des salariés (dépendants), contre les délocalisations, les fermetures d'entreprises et les licenciements, etc.
Demeure donc l'ultime (?) « contradiction fondamentale » de l'économie de marché qui résulte du fait qu'il n'existe pas de lien systématique (10) entre la croissance économique (compétitivité), d'une part, et la participation de tous aux bénéfices de cette croissance (solidarité). Si un tel lien existait, il est plus que probable que la tension sociale en serait très fortement diminuée, voire réduite à néant. Nous pourrions vivre dans un monde socialement pacifié du fait de son osmose avec l'économie.
Les années prochaines verront peut-être l'émergence d'une synthèse entre l'économique et le social dans le cadre d'une économie de marché. Malheureusement, il ne semble pas que l'on en ressente les prémisses.
Les « Conservateurs », libéraux en matière économique, n'ont pas de programme social et pensent, béatement et à tort, que l'économie de marché engendre automatiquement l'équité sociale. Les « Progressistes », ralliés depuis peu à l'économie de marché, en sentent bien les carences en matière sociale mais n'ont d'autres solutions à proposer que le prélèvement fiscal sur les uns en vue de la redistribution en faveur des autres.
Lorsque l'on parviendra à cette Synthèse de l'économique et du social, instaurant enfin une réelle compatibilité entre compétitivité et solidarité, alors, et alors seulement, il sera, peut-être possible d'envisager la survenue de « la fin de l'Histoire économique et sociale » si chère à Francis Fukuyama ; après qu'aura été résolue l'ultime (?) « contradiction fondamentale » de l'économie de marché. Mais, pas avant !
9. Condition de la fin véritable de l'Histoire
En 1999, au titre de la garantie décennale (?) et/ou de l'auto-commémoration (?), Francis Fukuyama a revisité son texte initial de 1989 : « La fin de l'Histoire ? ».
Il n'en renie rien. Mais, parmi les centaines d'exégètes qui ont critiqué son texte originel, il en reconnaît un seul qui en a repéré la véritable faiblesse laquelle tient dans le fait que l'Histoire ne peut s'achever aussi longtemps que les sciences de la nature contemporaines ne sont pas à leur terme. Et nous sommes à la veille de nouvelles découvertes scientifiques qui, par leur essence même, aboliront l'humanité en tant que telle.
Le terme de son article commémoratif est hautement lyrique : Le caractère ouvert des sciences contemporaines de la nature nous permet de supputer que, d'ici les deux prochaines générations, la biotechnologie nous donnera les outils qui nous permettront d'accomplir ce que les spécialistes d'ingénierie sociale n'ont pas réussi à faire. À ce stade, nous en aurons définitivement terminé avec l'histoire humaine parce que nous aurons aboli les êtres humains en tant que tels. Alors commencera une nouvelle histoire, au-delà de l'humain.
L'ennui est que Francis Fukuyama ne précise aucunement ce que sera « l'abolition de l'Humanité en tant que telle ». Aucune autre précision ; pas même une esquisse d'anticipation, de science-fiction.
Si, abolir l'Humanité, consiste, dans l'esprit de Francis Fukuyama, à détruire la conscience humaine, il est exact que l'on pourra parler de « la fin de l'Histoire de l'Humanité ».
Mais, si la biotechnologie nous apporte des transformations, quelles qu'elles soient, qui sauvegardent ou développent la conscience des êtres humains, de l'Humanité, la prédiction de Francis Fukuyama s'avérera erronée.
L'Histoire de l'Humanité continuera, hantée par l'ultime question : Pourquoi l'Univers ?
Et, si elle parvient jamais à trouver la réponse, alors, oui, ce pourrait être la Fin de l'Histoire !
10. L'avenir ? Quelle Histoire !
Il est peut-être utile ou vain de s'interroger sur la survenue ou non de « la fin de l'Histoire » ; celle de la politique, de l'économie, du social et/ou de l'Humanité. Abonder dans le sens de Francis Fukuyama, ou s'y refuser, oblige à adopter, définitivement ou temporairement, le point de départ de ses analyses.
S'il faut absolument se prononcer sur le moment où interviendra la fin absolue de l'Histoire, on est en droit de considérer que cette échéance n'interviendra pas avant que l'Humanité ne puisse répondre à sa permanente question : Pourquoi l'Univers ?
Cela ne devrait pas survenir dans le futur immédiat.
En attendant, à supposer, d'un point de vue hégélien, que la fin de l'histoire politique soit déjà intervenue, il est parfaitement légitime de réfuter l'affirmation de Francis Fukuyama selon laquelle, du fait de la potentielle universalisation de l'économie de marché, la fin de l'histoire économique a déjà eu lieu.
En effet, l'économie de marché recèle en son sein une « contradiction fondamentale » qui semble échapper à Francis Fukuyama : l'incompatibilité apparente entre compétitivité et solidarité.
Aussi, la Fin de l'Histoire Économique ne saura-t-elle intervenir qu'après que cette ultime contradiction fondamentale de l'économie de marché aura été résolue.
Pour la résoudre, il est impératif de réaliser une synthèse qui rendra compatibles et interdépendants les antagonismes existant actuellement entre compétitivité et solidarité.
Si une telle synthèse voit jamais le jour, elle se hissera au niveau de la Théorie des Cordes qui, en cosmologie, si elle tient toutes ses promesses, permettrait de rendre enfin compatibles la Relativité et la Mécanique Quantique, inconciliables aujourd'hui.
Mais, personne ne s'attend réellement à ce que la Théorie des Cordes, même couronnée d'un succès intégral, parvienne à répondre à l'ultime question que se pose l'Humanité : Pourquoi l'Univers ?
Notes
1. Revue américaine : National Interest. Traduction intégrale en Français : Revue Commentaire, N° 47, Automne 1989.
2. Le Monde ; 17 juin 1999.
3. En italique : extraits des deux articles de Francis Fukuyama.
4. Son cinquième concerto pour piano et orchestre, « L'Empereur », composé vers 1809, n'a aucun lien, direct ou indirect, avec Napoléon : il fut dédié à l'Archiduc Rodolphe, dernier des fils de Léopold II, Empereur d'Autriche.
5. Contrairement au fascisme nazi heureusement anéanti en 1945.
6. Il me semble que l'on soit également en droit de la rejeter négligemment d'un revers de main et de considérer qu'il ne s'agit là que d'une (originale) vue de l'esprit relevant du café du commerce ; pour ne pas dire : relevant de la sodomie de diptères.
7. Si l'on considère que l'authentique Communisme (viable ?), avec tout ce qu'il comporte d'Humanisme de principe, et donc de potentiel pouvoir d'attraction, n'a jamais été mis en ouvre, il convient d'entendre « communisme » comme : régime politique totalitaire à économie planifiée bâti sous couvert de l'idéal Communiste.
8. Sans lequel son article n'aurait peut-être pas connu le retentissement qu'il a eu tant le titre en est provocateur.
9. On lui doit également la création du Marché Commun dont on sait tout le bien qu'en pensent les USA.
10. À la hausse et à la baisse, a fortiori.