Merah : Il aurait pu être arrêté après son tout premier assassinat !
Bernard Squarcini, patron de la DCRI, a donné une interview dans LeMonde.fr.
[ ... ]
LM :
Quand avez-vous commencé à travailler sur le meurtre des militaires, le 15 mars ?
BS :
La DCRI a commencé à échanger avec la police judiciaire [NdR 1 : de Toulouse] dès le vendredi 16 mars [NdR : 5 jours après l’assassinat du 1er militaire à Toulouse et 1 jour après l’assassinat de
2 militaires à Montauban].
Le samedi [NdR : 17 mars] au soir, ils nous ont transmis des données à cribler dans notre documentation. Le service a travaillé tout le week-end sur les propriétaires de
T-Max, de 11.43, les habitués des stands de tir, les noms liés aux adresses IP qui se sont connectées à l’annonce du premier militaire, 24 000 données au total. On s’interroge encore à ce
moment-là sur la piste de l’ultradroite, du djihad ou d’un fou.
LM :
Vos recherches isolent alors le nom de la mère de Mohamed Merah, qui correspond à l’une des adresses IP ?
BS :
Oui, mais, le dimanche soir [NdR : 18 mars], il n’y a pas que ce nom-là. Nous donnons les réponses aux
criblages à la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire, et on demande à ceux de nos services qui ont émis les dossiers sur ces noms d’approfondir la recherche.
LM :
Donc, le nom de Merah ne déclenche pas de processus d’alerte ?
BS :
Non. Mais nous savons dimanche soir [NdR : 18 mars] que Mme Aziri est la mère de Mohamed et Abdelkader
Merah. Son nom apparaît dans la liste des gens qui ont consulté une annonce de vente de moto sur « LeBonCoin.fr ». [NdR : Comment se fait-il que le "pedigree" pénal de
Mohamed Merah n’ait pas immédiatement alerté les autorités ?]
Mais elle a cinq enfants, cela fait six personnes qui auraient pu se connecter. Cela ne fait pas encore d’elle et de
ses deux fils des suspects. De plus, il n’y a pas d’éléments qui montrent de contact direct entre le vendeur de la moto et un membre de la famille Merah.
[ ... ]
Aux faits déjà connus, l’interview de Bernard Squarcini apporte des précisions qui permettent de comparer ce qu’a été la chronologie réelle de l’affaire Merah et la chronologie hypothétique qui aurait pu advenir si certains paramètres avaient été différents.
Cette comparaison apparaît dans le tableau ci-dessous :
Date |
Chronologie réelle |
Chronologie hypothétique |
‘ Dimanche 11 mars 2012 |
Assassinat d’un militaire à Toulouse. |
Assassinat d’un militaire à Toulouse. |
‘ Lundi 12 |
La PJ enquête. |
Les recherches de la DCRI isolent alors le nom de Madame Aziri, qui correspond à l’une des adresses IP, et qui est identifiée comme la mère de Abdelkader et Mohamed Merah. |
‘ Mardi 13 |
La PJ enquête. |
Identification quasi certaine de Mohamed Merah comme auteur des assassinats de Toulouse et de Montauban. |
‘ Mercredi 14 |
La PJ enquête. |
L’appartement de Merah est cerné. L’assaut est donné. |
‘Jeudi 15 |
Assassinat de deux militaires à Montauban et grave blessure d’un troisième. |
|
‘ Vendredi 16 |
La PJ commence à échanger, avec la DCRI, les indices recueillis le 11 à Toulouse et le 15 à Montauban. |
|
Date |
Chronologie réelle |
‘ Samedi 17 |
Le samedi au soir, la PJ transmet des données à cribler dans la documentation de la DCRI. |
‘ Dimanche 18 |
Les recherches de la DCRI isolent alors le nom de Madame Aziri, qui correspond à l’une des adresses IP, et qui est identifiée comme la mère de Mohamed et Abdelkader Merah. |
‘ Lundi 19 |
Assassinat de 3 enfants et d’un adulte, tous français et de confession juive ainsi que grave blessure d’un adolescent
de 17 ans. |
‘ Mardi 20 |
Identification quasi certaine de Mohamed Merah comme auteur des assassinats de Toulouse et de Montauban. |
‘ Mercredi 21 |
À 3h10 du matin, l’appartement de Merah est cerné. |
‘ Jeudi 22 |
Après plus de trente heures de négociations improductives, l’assaut est donné à 11h30. |
Rien ne permet d’affirmer que cette chronologie hypothétique était réellement posssible.
En revanche, il est possible d’affirmer que la Police Judiciaire de Toulouse a fait preuve d’une légèreté coupable en ne transmettant que le vendredi 16 mars les données contenues dans l’ordinateur du premier militaire assassiné le dimanche 11 mars 2012.
Une plus grande rigueur, accompagnée d’un peu de chance, aurait peut-être épargné les vies des deux militaires de Montauban (sans oublier leur collègue gravement blessé et risquant la paraplégie) ainsi que, très probablement, celles des trois enfants et de l’adulte, tous français de confession juive, assassinés à Toulouse (sans oublier l’adolescent de 17 ans gravement blessé).
Conclusion :
Il semblerait donc nécessaire de mener une investigation approfondie et en parallèle sur le déroulement des enquêtes conduites, dès le 11 mars, par la Police Judiciaire de Toulouse et la DCRI
afin de déterminer s’il y a effectivement eu d’éventuels dysfonctionnements.
Addendum :
Le 23 mars, Gérard Longuet a donné une interview au journal LeMonde.fr
[ ... ]
« Nous avons perdu un temps considérable, parce que certains voulaient absolument que ce soit dans une direction qu'il faille
chercher et pas dans toutes les
directions », a-t-il déclaré lors de « La Matinale », sur Canal+.
[ ... ]
Rappel :
En Espagne, le 11 mars 2004, Aznar a immédiatement privilégié la piste ETA, rejetant a priori la piste islamiste Al Qaïda à laquelle
tout le monde pensait (comme aussi plausible que celle d’ETA) et qui s’est confirmée par la suite.
Cela lui a fait perdre toute crédibilité ainsi que les élections législatives suivantes.
1Rédacteur : Jean-Pierre Llabrés.