Mondialisation : Méfaits, Neutralité et Bienfaits !
Il est de bon ton d’être « pro » ou « anti » Mondialisation sans nuance, de manière quasi « intégriste ». Au moyen d’un exemple concret, celui du secteur sucrier en Côte d’Ivoire, on souhaite montrer que les choses sont probablement plus compliquées, plus subtiles. Il semble que la Mondialisation apporte, à la fois, des méfaits et des bienfaits et que, parfois, elle est totalement neutre, sans aucune incidence sur des situations ne relevant que de la seule responsabilité des autorités politiques d’un pays.
Méfaits de la Mondialisation
La Côte d’Ivoire exploitait six sites de production de canne (à sucre) et de sucre lesquels étaient mal gérés par une société d’État. En 1997, le secteur sucrier fut privatisé et seuls deux sites continuèrent d’être exploités par deux industriels privés, indépendants l’un de l’autre.
Aujourd’hui, en raison de l’abondance de la production, le marché mondial du sucre est descendu à de très bas niveaux de prix. En conséquence, pour pouvoir continuer rentablement leur activité, les deux industriels ivoiriens, compte tenu de leurs coûts de production, nécessitent une protection tarifaire contre les importations à bas prix du marché mondial afin que leur production de sucre puisse se commercialiser sur le marché ivoirien.
En l’absence de cette protection tarifaire, pour cause de Mondialisation, l’industrie sucrière ivoirienne serait contrainte de cesser son activité avec toutes les conséquences prévisibles et désastreuses concernant les revenus des producteurs de canne à sucre, des employés des industriels, etc.
Neutralité de la Mondialisation
En Côte d’Ivoire, la production de canne à sucre est assurée, majoritairement, par les industriels et, minoritairement, par 800 familles d’agriculteurs disposant, en moyenne, de 3 hectares par famille. Il existe un réel potentiel d’expansion des surfaces cultivables en canne.
La canne produite est éminemment rentable pour les agriculteurs puisqu’elle dégage une marge nette de 50 % des coûts de production. Cependant, compte tenu de la modicité des surfaces des exploitations, le revenu généré par la canne ne peut être qu’un revenu d’appoint.
En conséquence, en augmentant les surfaces attribuées aux familles, il serait possible de transformer un revenu d’appoint en un revenu principal confortable.
Un tel objectif n’appartient qu’aux autorités politiques de Côte d’Ivoire. À elles de décider si elles préfèrent installer des familles destinées à constituer une « bourgeoisie rurale » (3.000 hectares pour 100 familles, par exemple) ou si elles continuent d’installer un quasi « lumpenprolétariat agricole » (3.000 hectares pour 1.000 familles).
La Mondialisation n’intervient en rien dans une telle alternative.
Bienfaits de la Mondialisation
Il a déjà été dit que les industriels sucriers ivoiriens ne peuvent commercialiser leur sucre sur le marché intérieur ivoirien que sous réserve de bénéficier d’une protection tarifaire contre le marché mondial.
Mais, de plus, lorsqu’ils souhaitent exporter leur sucre dans les pays importateurs voisins , ils se retrouvent en concurrence avec le même marché mondial qu’ils affrontent en Côte d’Ivoire.
En conséquence, ils souhaitent que les pays voisins adoptent également une protection tarifaire qui ne protégerait que les intérêts commerciaux des industriels ivoiriens étant donné que ces pays, n’ayant pas de production sucrière, ont meilleur compte à s’approvisionner sur le marché mondial.
Cette situation semble sans issue. Mais, ce n’est qu’une apparence. Une solution, satisfaisante pour les industriels sucriers ivoiriens, peut être trouvée en faisant un détour par la production de canne à sucre.
Les rendements ivoiriens de canne sont en moyenne de 75 tonnes par hectare. Or, le potentiel climatique et pédologique des sites de production de la canne, en Côte d’Ivoire, permettraient d’atteindre des rendements de 100 à 120 tonnes par hectare. Ces rendements sont effectivement réalisés dans des pays aux conditions similaires.
En fait, la stagnation des rendements ivoiriens de canne provient de ce que les planteurs ivoiriens (agriculteurs et industriels) n’ont pas fait évoluer leur matériel végétal. Depuis des années, ils utilisent les mêmes variétés de canne au lieu de les renouveler en adoptant et en adaptant de nouvelles variétés plus productives.
Malgré ce retard, tout n’est pas perdu. Mais, le renouvellement des variétés demandera un délai d’adaptation d’environ 10 ans avant d’être pleinement opérationnel.
Au terme de ce processus, les agriculteurs et les industriels produiront une canne qui abaissera considérablement les coûts de production d’un sucre qui redeviendra compétitif sur le marché mondial.
L’identification de ce problème, ainsi que celle de sa solution, ne résulte que de la pression de la Mondialisation...