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SincéritéS

Union européenne : Gaspillage annuel de 30 milliards d’Euros !

21 Avril 2005 , Rédigé par Jean-Pierre Llabrés Publié dans #Aide Publique au Développement (APD) Économique

La nouvelle Commission Européenne a pris ses fonctions fin 2004, pour une durée de 5 ans. Il est donc trop tôt pour évaluer son action en matière d’Aide Publique au Développement des pays émergents.

 

En revanche, il est possible de présenter le bilan de la Commission Prodi en la matière pour la période 1999-2004 durant laquelle les Commissaires au Développement et aux Relations extérieures étaient, respectivement, Poul Nielson et Christopher Patten.

 

1. Le fiasco !

 

En 2002, l’Union européenne a contribué, à concurrence de 31 milliards d’Euros [1], à plus de la moitié de l’aide publique mondiale destinée au développement des pays émergents. Or, cet effort financier des contribuables européens s’avère n’être qu’une aide au sous‑développement économique durable car l’Union européenne est incapable de générer des activités économiques pérennes.

 

En effet, aucun des programmes et des projets de développement économique qu’elle a mis en œuvre, depuis plusieurs dizaines d’années, n’a jamais survécu à la fin de la période de financement initial externe. Autrement dit, les investissements financés ne se sont jamais traduits, nulle part, par des résultats économiques, des profits durables et croissants en faveur des populations bénéficiaires.

 

Pour être parfaitement clair, il ne s’agit pas de nier les progrès économiques réalisés par les pays émergents. Mais, il s’agit de souligner que ces progrès se font « malgré » et non pas « grâce à » l’Aide Publique au Développement.

 

2. Principe de l’aide au développement économique

 

La réalisation d’un programme, ou d’un projet, de développement économique consiste en la création d’une entité bénéficiant d’un financement externe, durant un à cinq ans, en général [2], destiné à faciliter son installation et son développement initial. Au terme de ce financement externe, le programme, ou le projet, doit obtenir des résultats économiques tels que ses bénéficiaires soient en mesure d’en retirer des profits substantiels ainsi que d’en poursuivre le développement de manière autonome.

 

Par exemple, s’agissant de développement rural, en général, et de production de produits vivriers, en particulier, vitaux pour l’alimentation des populations des pays émergents, un programme de développement économique peut consister en la création, financièrement assistée, d’une coopérative d’agriculteurs ayant pour objet de stocker et de commercialiser lesdits produits vivriers de telle manière que les agriculteurs, sociétaires de la coopérative, améliorent les revenus procédant de leur activité économique et, ce faisant, accroissent leur productivité et améliorent leur niveau de vie.

 

Bien entendu, l’aide au développement, financée par les pays riches, ne saurait réaliser, à elle seule, l’intégralité du développement économique des pays émergents qui en bénéficient. En revanche, son objectif est de mettre en œuvre des programmes, projets et entreprises « pilotes » dont le succès doit apporter une amélioration économique intrinsèque mais, également, par son exemplarité, provoquer la réplication en grand nombre des « modèles‑pilotes » afin de générer un ensemble, aussi vaste que possible, d’entreprises économiques rentables et profitables aux populations des pays émergents.

 

3. Évaluation & Bilan

 

Depuis plusieurs dizaines d’années, l’Union européenne a financé des quantités de programmes et projets de développement économique. En bonne logique, si l’aide au développement économique de l’Union européenne avait été efficiente, on devrait rencontrer, dans tous les pays émergents où l’Union européenne est intervenue, des entreprises rentables et en développement longtemps après qu’ait cessé le financement externe.

 

Pour ce qui concerne spécifiquement la Commission européenne, les Commissaires au Développement et aux Relations extérieures, respectivement Poul Nielson et Christopher Patten, sont dans l’incapacité absolue de déterminer, pour les trente dernières années, quelles ont été les ressources financières investies dans l’aide au développement des pays émergents et dans combien de programmes ou projets elles l’ont été.

 

De même, ils sont également incapables de faire la part entre les investissements dont on ne saurait attendre, autrement qu’indirectement, un retour sur investissement (éducation, santé, etc.) et ceux dont il est absolument légitime et logique d’espérer, directement, un retour sur investissement (programmes et projets de développement économique).

 

Enfin, et le plus grave, ils sont tout aussi également incapables de déterminer combien de programmes et de projets de développement économique, financés durant leurs années de démarrage, se sont avérés rentables, après la cessation des financements externes, et continuent, depuis dix, quinze ou vingt ans, de se développer de manière financièrement autonome, générant des profits financiers pour leurs bénéficiaires et en améliorant le revenu ainsi que le niveau de vie.

 

Or, malheureusement, on ne trouve nulle part, dans aucun pays émergent, un seul projet qui, ayant cessé de recevoir un financement externe, aurait continué de prospérer depuis dix, quinze ou vingt ans, en tant qu’entreprise indépendante et rentable pour la plus grande satisfaction de ses bénéficiaires.

 

En d’autres termes, les investissements colossaux réalisés par l’Union européenne, durant plusieurs décennies, se sont révélés totalement improductifs, voire contreproductifs. Il convient mieux de parler de gaspillage que d’investissement !

 

4. Autres bailleurs de fonds

 

Lors de son voyage officiel au Niger et au Mali, en octobre 2003, Jacques Chirac s’est lancé dans une violente critique de l’aide au développement de la Commission européenne, expliquant que cette dernière était dans l’incapacité de comprendre les réalités du développement. Cela sous‑entend que la coopération bilatérale française possède ladite capacité.

 

Or, sur le terrain, c’est‑à‑dire dans les pays émergents, rien ne vient démontrer que la coopération bilatérale française soit plus efficace que celle de la coopération de l’Union européenne ou d’une quelconque autre coopération bilatérale. En réalité, les coopérations bilatérales ne peuvent s’enorgueillir d’un taux de pérennisation supérieur à celui obtenu par la Commission européenne et, malheureusement, égal à 0 % (nombre d’entreprises pérennes / nombre de projets financés).

 

Par ailleurs, il convient de faire remarquer que, si la France, en général, et Jacques Chirac, en particulier, détiennent réellement la capacité à comprendre les réalités du développement, on ne peut que s’étonner du fait que la Commission européenne n’ait pas bénéficié, jusqu’ici, de leurs conseils avisés en la matière alors même que la France demeure un membre éminent, voire influent [3], du Conseil européen.

 

5. Palme de la perversité

 

Il est impossible de traiter de l’inefficacité de l’aide publique au développement des pays émergents sans souligner que la palme de la perversité revient indubitablement à la Banque Mondiale qui, elle, au contraire de nombre de bailleurs de fonds, ne dispense pas son aide par des dons mais par des prêts.

 

Dans ce schéma, les pays émergents peuvent bénéficier de prêts pour financer leur développement économique à la condition d’investir selon les critères de la Banque Mondiale. Jusqu’à présent, les résultats ne se sont pas avérés plus probants que ceux des autres bailleurs de fonds.

 

Dans sa grande sagesse, la Banque Mondiale a donc souvent changé de critères, toujours meilleurs que les précédents, selon elle, et, tout en continuant de rembourser les prêts contractés pour investir conformément aux « anciens‑bons‑critères », les pays émergents ont toujours continué de s’endetter pour pouvoir investir selon les « nouveaux‑meilleurs‑critères ». Merveilleux exemple de cercle vicieux...

 

6. Toujours plus !

 

En dépit de ces résultats, plus que calamiteux, de l’aide publique mondiale au développement économique des pays émergents, il est de nombreux beaux esprits et bonnes âmes pour exiger toujours plus d’argent pour financer ladite aide.

 

L’exemple le plus emblématique en est donné par les tenants de l’établissement d’une taxation des transactions financières internationales, « Taxe Tobin », en vue du financement plus intensif de l’aide au développement des pays émergents.

 

Sans préjuger du bien‑fondé de ladite taxe, on ne peut que se demander s’il y a vraiment urgence à mobiliser de nouveaux moyens financiers s’ils devaient s’avérer aussi improductifs que les fonds actuellement consacrés à ladite aide.

 

7. C’est « politique »...

 

Bien entendu, pour justifier le fiasco de l’aide publique au développement économique des pays émergents, une des explications, que l’on ne manquera pas d’avancer, consistera à dire qu’il est parfois (souvent ?) nécessaire de consentir à des concessions (investissements improductifs ; euphémisme pour « gaspillage ») de manière à obtenir des résultats positifs (pour le pays bailleur ? Pour le pays bénéficiaire ?) dans d’autres domaines.

 

Ce serait donc « po‑li‑ti‑que » ! Pourquoi pas ?... Dans ce cas, face à la généralisation du fiasco, on ne peut manquer de se demander si toute la problématique de l’aide ne serait pas effectivement politique. Selon cette logique, il serait nécessaire d’échouer pour réussir...

 

Néanmoins, les observateurs avertis sont en mesure de citer nombre d’exemples de programmes et de projets de développement économique qui, bâtis sur des critères rationnels, auraient pu se révéler productifs, et favorables aux populations des pays émergents bénéficiaires, sans compromettre quoi que ce soit dans le fameux domaine politique.

 

8. Responsabilité

 

S’agissant de l’Union européenne, la responsabilité du fiasco appartient, par ordre décroissant d’implication :

 

1) au Conseil européen qui décide de la stratégie, de la politique et des actions de la Commission,

 

2) à la Commission qui met en œuvre les décisions du Conseil,

 

3) aux Commissaires au Développement, Poul Nielson, et aux Relations Extérieures, Christopher Patten, en charge de la réalisation des actions en matière d’aide au développement des pays émergents,

 

4) aux Directions Générales respectives, Développement et Relations extérieures, ainsi que la Direction Générale commune « EuropeAid », qui constituent les organes d’exécution finale,

 

5) au Parlement européen en charge, au minimum, du contrôle de la pertinence des politiques qui sont conduites.

 

Il convient d’insister particulièrement sur le fait que le Conseil européen est constitué des chefs d’États et de gouvernements ainsi que des ministres des pays appartenant à l’Union européenne. Il en résulte que nos personnels politiques nationaux ne peuvent, en aucun cas, se défausser du fiasco de l’aide européenne au développement des pays émergents en disant : « C’est la faute de la Commission ! ». En effet, ce sont eux qui, en dernier ressort, décident de ce que la Commission doit réaliser.

 

9. Pourquoi un tel fiasco ?

 

Bien évidemment, à constater le fiasco intégral [4] de l’aide européenne au développement économique durable des pays émergents, on ne peut que se demander quelles en sont les raisons. Il serait trop long d’entrer, ici, dans l’examen détaillé de l’ensemble des paramètres techniques qui président à l’échec ou au succès d’une entité économique naissante.

 

Cependant, il en existe un auquel il est accordé trop peu d’attention : le potentiel de pérennisation [5] du programme ou du projet de développement économique au‑delà de la phase nécessaire de financement externe. Ce paramètre devrait devenir le premier critère à évaluer avant de donner une suite quelconque à un programme ou à un projet de développement économique supposé durable.

 

Faute de procéder ainsi, les populations des pays émergents, supposées bénéficier desdits programmes ou projets de développement économique (durable), continueront de vivre un rêve, durant la phase initiale de financement externe, puis continueront de plonger dans un cauchemar lorsque périclitera leur entreprise, lors de la cessation de tout financement externe, par manque de résultats économiques, de capacité de développement et de profit.

 

10. Perspective de l’aide au développement

 

Dans l’absolu, s’il existe une volonté réelle d’aider au développement économique des pays émergents, le potentiel de pérennisation économique d’un programme, ou d’un projet, doit devenir le critère premier présidant à la décision de financer ledit programme ou projet [6].

 

En effet, sans cette pérennisation économique des investissements financés par l’aide, le développement économique demeurera faible et les États émergents ne trouveront pas les ressources (fiscales ?) nécessaires au financement de leurs fonctions régaliennes ainsi que de leur progrès social.

 

Il est donc de la première urgence de rendre l’aide au développement des pays émergents économiquement efficace car, sans développement économique, il ne saurait advenir aucun développement social. Cette efficacité économique ne sera une réalité que lorsque, dans les pays émergents, il sera possible de dénombrer les entreprises qui, générées par l’aide au développement, continueront à se développer et à dégager des profits pour leurs bénéficiaires bien des années après la fin de leur financement externe initial.

 

Rappelons qu’aujourd’hui, dans l’ensemble des pays émergents et assistés, ce nombre est de Zéro alors que l’ensemble de l’aide au développement s’élève à environ 50 milliards d’Euros annuellement. Dont, en 2002, 31 milliards d’Euros pour la seule Union européenne ! ...

 

Notes :

 

[1] Commission européenne 10 milliards € environ ; États membres 20 milliards € environ.

 

[2] Parfois plus.

 

[3] Au point d’être en mesure de s’affranchir des contraintes budgétaires liées à l’Euro...

 

[4] Puisqu’il n’existe aucun programme ou projet qui se soit maintenu en tant qu’entreprise pérenne et rentable après la cessation de son financement initial externe.

 

[5] « Durabilité » : traduction imparfaite de l’Anglais sustainability.

 

[6] Quand bien même il serait illusoire de croire qu’une certitude absolue est possible en la matière : le risque zéro n’y existe pas. Cependant, cela changerait radicalement de la situation actuelle où prévaut le risque absolu.

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