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SincéritéS

Afrique, Sécurité Alimentaire : Ineptie du concept de « Soudure »

17 Février 2014 , Rédigé par Jean-Pierre Llabrés Publié dans #Aide Publique au Développement (APD) Économique

Source : http://www.senat.fr/rap/r04-512/r04-5125.html
Début de citation
NdR : Les années fortement déficitaires sur le plan agricole se traduisent par un manque de produits vivriers en fin de campagne agricole ce qui provoque une forte hausse des prix préjudiciable aux populations.
« 
Cette situation a donné naissance à une expression employée dans toute l'Afrique : LA« SOUDURE » (Ce terme était également employé en France au Moyen-Âge pour caractériser la même difficulté.) ».
« La « soudure » est la période qui sépare la fin de la consommation de la récolte de l'année précédente
(N)et l'épuisement des réserves des greniers, de la récolte suivante (N+1)[NdR : Campagne agricole]. Durant cette période, la population est contrainte de se « débrouiller » pour trouver des ressources monétaires afin d'acheter des vivres ou de consommer les éléments nutritionnels se trouvant dans des plantes à l'état naturel. »
« C'est la durée de la période de soudure qui détermine l'acuité de la crise alimentaire. » NdR : La durée de la soudure est variable mais dépasse rarement six mois.
Fin de citation

En conséquence, à partir du septième mois de la campagne agricole des produits vivriers (céréales), les autorités étudient très attentivement l'évolution des prix sur les marchés ruraux et urbains de manière à déterminer s'il y a lieu de prévoir des importations pour pallier un déficit ou, au contraire, d'envisager des exportations en cas d'éventuels excédents.

 

Durant la période de soudure, selon que la campagne agricole est excédentaire, équilibrée ou déficitaire, l'évolution des prix se fait schématiquement selon le graphique ci-dessous.

1 Evolution prix soudure

De tels graphiques sont bien utiles pour prendre la décision d'importer, d'exporter ou de laisser la situation en l'état.

Mais, ils présentent l'énorme inconvénient de n'intervenir que bien trop tard dans la campagne agricole ; à mi­parcours de celle-ci alors que des importations peuvent nécessiter un ou plusieurs mois avant d'être enfin disponibles dans un marché fortement déficitaire.

Or, si au lieu de ne s'intéresser à l'évolution des prix qu'à partir du moment hypothétique du début de « LA Soudure », on considère cette évolution depuis le début de la Récolte N, on obtient une vision toute différente du profil de la campagne agricole ainsi que l'on peut s'en rendre compte dans le graphique théorique ci­dessous.

2 Evolution prix campagne     

Ce graphique permet de se rendre compte que, dès le début de la Récolte N, les prix se différencient selon que celle­-ci est excédentaire (vert), équilibrée (orange) ou déficitaire (rouge).

On peut donc affirmer que, dès le début de la campagne agricole, juste après la Récolte N, il est possible de pressentir ce que sera l'évolution des prix durant ladite campagne agricole et d'anticiper la possibilité d'exporter ou la nécessité d'importer.

En réalité, « LA Soudure » commence dès le premier mois de la campagne agricole ! C'est donc une ineptie que de ne commencer à s'intéresser à l'évolution des prix des produits vivriers qu'après le sixième mois de campagne afin de déterminer s'il est enfin temps de procéder à des importations dont les populations pourraient avoir eu besoin bien auparavant ! ! !

Le lecteur ne manquera pas de remarquer qu'en début de Récolte N, comme en début de Récolte N+1, les prix de la fin de campagne précédente chutent fortement que la récolte soit excédentaire, équilibrée ou déficitaire. En bonne logique, en cas de récolte déficitaire, les prix devraient se maintenir proches du niveau des prix de la fin de la campagne précédente.

Or, s'il est vrai que les prix de début de campagne à récolte déficitaire demeurent plus élevés que ceux de début de campagne à récolte excédentaire, on n'en constate pas moins que ces prix chutent fortement par rapport à ceux de la campagne agricole précédente.

L'explication tient dans le fait que, lorsque la récolte vient à maturité, les agriculteurs, en proie à un intense besoin de trésorerie, se voient contraient de vendre leur production quasiment dès la fin de la récolte. Comme ils se trouvent tous dans la même situation, cela provoque un (apparent) excédent d'offre par rapport à la demande ; même en année de récolte déficitaire : ainsi s'explique la chute des cours qui, en année déficitaire, devraient améliorer le revenu et le profit net des agriculteurs mais qui ne profite qu'à leurs acheteurs, les commerçants-stockeurs.

D'où la stagnation du pouvoir d'achat des agriculteurs, de leur niveau de vie ainsi que de leur productivité...
(cf. :Les producteurs du sud victimes du libéralisme. [Le Monde, 29 septembre 1992]
http://www.sincerites.org/article-les-producteurs-du-sud-victimes-du-liberalisme-le-monde-29-septembre-1992--39291111.html)

Pour leur part, les exportateurs-importateurs calculent en permanence les prix de revient FOB ou CAF afin de savoir s'ils leur permettent d'exporter ou d'importer.

Pour terminer, refermant cette affligeante parenthèse, on donnera un exemple de mauvaise gouvernance que peut provoquer le concept de « Soudure ».

Le Togo n'est pas un pays de famine mais on n'agirait pas autrement si l'on souhaitait qu'il le devienne.

N.B. :
La source du document ci­dessous a disparu d'Internet.

Début de citation
L’Agence Nationale de Sécurité Alimentaire au Togo (en sigle ANSAT) a, lors d’une rencontre à Lomé, lancé officiellement, le samedi 4 juin 2011, une campagne spéciale d’achat de 3.440 tonnes de céréales (notamment le mais, le sorgho et le riz blanc localement produit), en vue de renforcer le stock de sécurité de ces produits au Togo.

Cette action est à saluer dans la mesure où elle constitue une réplique des autorités togolaises à la flambée des prix des céréales ressentie sur le marché togolais depuis déjà près de deux semaines.

À Lomé, le prix des céréales à la veille de cette campagne qui vient d’être déclenchée fluctuait entre 500f CFA et 575f CFA voire 600fcfa avec une tendance à la hausse selon des sources dignes de foi.

A l’intérieur du pays, ces prix variaient entre 400f CFA et 475f CFA avec également une tendance à la hausse, selon ces mêmes sources.

Pour cette campagne qui a démarré automatiquement dès son lancement pour une durée de 3 semaines, c’est un budget total de 800 millions de FCFA qui ont été accordés par le gouvernement togolais à l’ANSAT.

Il faut tout de même souligner que l’aggravation des prix des produits céréaliers au Togo a surpris plus d’un surtout quand on sait que le pays avait réalisé un excédent céréalier dans l’ordre de 76.000 tonnes au cours de la campagne agricole 2010-2011.

« Mais cette augmentation des prix est une conjonction de plusieurs facteurs », a expliqué le lieutenant-colonel AGADAZI directeur général de l’ANSAT. Il s’agit des facteurs relatifs à la production des céréales, à la disponibilité des stocks en temps réel, ainsi qu’à l’accessibilité des zones de production.
Fin de citation

Addendum :
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant, au Togo, en 2011, au lieu d’acheter des céréales pour augmenter le stock de sécurité, il faudrait vendre d’urgence partie de ce stock de sécurité pour accroître l’offre et réduire la tension sur les prix.
Mais, dès 1986, tout cela avait déjà été dit et écrit au tyran qui sévissait au Togo...

 

Post-scriptum :
Il est également amer de constater qu'à l'occasion de cette lamentable opération, aucune ONG ni aucune Agence nationale ou internationale de coopération n'a été en mesure de la dénoncer aux autorités togolaises puisqu'elles furent incapables de diagnostiquer cet acte flagrant de mauvaise gouvernance !...

 

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